Commentaire de Frère Paul Creevey, fms, Kessel-Lo (texte original en anglais)
Jésus était dans une ville quand survint un homme couvert de lèpre ; voyant Jésus, il tomba face contre terre et le supplia : « Seigneur, si tu le veux, tu peux me purifier. » Jésus étendit la main et le toucha en disant : « Je le veux, sois purifié. » À l’instant même, la lèpre le quitta. Alors Jésus lui ordonna de ne le dire à personne : « Va plutôt te montrer au prêtre et donne pour ta purification ce que Moïse a prescrit ; ce sera pour tous un témoignage. » De plus en plus, on parlait de Jésus. De grandes foules accouraient pour l’entendre et se faire guérir de leurs maladies. Mais lui se retirait dans les endroits déserts, et il priait. (Luc 5, 12-16)
Ce miracle de guérison est le premier miracle de Jésus après avoir appelé ses trois premiers disciples dans Luc – Pierre, Jacques et Jean – après qu’ils viennent d’assister à une pêche miraculeuse (5, 1-11). Il est évident que le nom de Jésus avait déjà commencé à se répandre dans les villes et villages locaux en tant que guérisseur par la foi. Étant donné qu’un lépreux local, vivant sans doute en marge du village, attendait une occasion de mendier de l’aide, le rôle de Jésus en tant que prophète et guérisseur se répandait rapidement. Comme nous le savons, la lèpre était à l’époque l’une des maladies les plus redoutées du monde ancien. Sans cause ni remède inconnus, elle signifiait une vie d’exclusion de votre communauté ; une vie condamnée à être fuie même par la famille et les amis. Il n’y avait aucun moyen de revenir en arrière. C’était une condamnation à perpétuité.
Nous pouvons donc imaginer le désespoir de cet homme qui s’est incliné devant Jésus, qui était son seul et dernier espoir de réhabilitation. Le texte dit que l’homme a supplié. On peut sentir son désespoir. Pourtant, son humilité et son espoir sont tous deux évidents dans sa foi. « Si tu le veux, tu peux me rendre propre. » Il ne s’agissait pas seulement de guérir, mais d’être pardonné par Dieu pour le “péché” qui a causé cette maladie chez cet homme. Il savait qu’il ne s’agissait pas seulement de sa peau, mais aussi de son exclusion et de son acceptation dans la communauté, mais aussi de son retour à Dieu.
Au cœur de cette histoire, il y a deux aspects : la compassion de Jésus, reflétée dans ses paroles « Je le veux » ; et dans son toucher. Aucune personne ordinaire n’aurait osé toucher un lépreux aux yeux des autres, eux aussi seraient jugés impurs. Ils risquaient eux aussi d’être ostracisés de la communauté.
L’histoire de Luc a mis le lépreux dans une situation difficile. Jésus lui a demandé de n’en parler à personne, mais aussi d’aller voir le prêtre pour obtenir la confirmation du toucher de guérison de Dieu. Lorsqu’il ira voir le prêtre, des questions lui seront posées, et il faudrait que les autorités fassent une enquête pour s’assurer qu’il est effectivement indemne de la maladie. Seule la déclaration d’un fonctionnaire pouvait assurer la réintégration de l’homme dans la communauté. Il était dépendant des autres, et pourtant il lui a été demandé de ne pas révéler la source de cette guérison. Les premiers mots de Jésus, « ne le dire à personne », semblent donc être que Jésus veut que cet acte soit vu pour ce qu’il est : un acte de Dieu, car seul Dieu pouvait de toute façon pardonner le péché du lépreux.
En réfléchissant à ce passage, nous pouvons nous demander qui sont les “lépreux” dans notre société ? Dans chaque société, il y a des gens qui sont traités comme des lépreux, des gens avec lesquels personne ne veut se mélanger, des gens qui sont marginalisés et qui vivent en marge de la société. Il y a tant de personnes qui souffrent d’exclusion, les sans-abri, les immigrés, ceux qui ont des dépendances, ceux qui sont exclus en raison de leur sexe, de leur religion ou de leur race. Jésus nous rappelle que nous sommes appelés à toucher, pas seulement à ressentir pour eux, mais à toucher. Y a-t-il de place la dans notre société et dans notre Église pour les “lépreux” de quelque nature qu’ils soient ? Aujourd’hui encore, certains membres de l’Église croient que les gens devraient être exclus de certains sacrements en raison de leur “maladie” ou de leur situation, mais ceux-là souhaitent eux aussi pouvoir être “purifiés” par le toucher guérisseur de Jésus. Cette histoire est une réprimande sévère à l’égard de ceux qui établissent des limites humaines autour de la communauté qu’est l’Église.
Le monde de Jésus est un monde de compassion et de miséricorde, et non de jugement et d’exclusion.
No responses yet