Un jour de sabbat, Jésus était entré dans la maison d’un chef des pharisiens pour y prendre son repas, et ces derniers l’observaient. Or voici qu’il y avait devant lui un homme atteint d’hydropisie. Prenant la parole, Jésus s’adressa aux docteurs de la Loi et aux pharisiens pour leur demander : « Est-il permis, oui ou non, de faire une guérison le jour du sabbat ? » Ils gardèrent le silence. Tenant alors le malade, Jésus le guérit et le laissa aller. Puis il leur dit : « Si l’un de vous a un fils ou un bœuf qui tombe dans un puits, ne va-t-il pas aussitôt l’en retirer, même le jour du sabbat ? » Et ils furent incapables de trouver une réponse.
Évangile selon saint Luc 14, 1-6 – Traduction AELF
Ce passage est le premier des quatre enseignements de Jésus, tous liés à un contexte de repas. Il commence par une confrontation dans la maison d’un pharisien entre Jésus et quelques chefs religieux un jour de sabbat où Jésus avait été invité à prendre un repas.
Deux notes à prendre en considération.
Tout d’abord, il y a en tout sept guérisons de sabbat enregistrées dans les évangiles, desquelles Luc en mentionne cinq (4, 31 ; 4, 38 ; 6, 6 ; 13, 10 ; 14, 1). Les deux autres sont dans Jean – la guérison de l’homme paralysé à la porte des brebis (5, 10 ss) et la guérison de l’homme né aveugle (9, 14 ss).
Deuxièmement, le mot « pharisien » signifie « séparé ». Au temps de Jésus, on estime qu’ils étaient environ 6.000 et qu’ils étaient répartis dans toute la Palestine. Ils enseignaient principalement dans les synagogues et étaient, en même temps, les gardiens autoproclamés de la loi et de son respect par le judaïsme. Ils considéraient que leurs interprétations des traditions faisaient pratiquement autant autorité que les Écritures (cf. Marc 7, 8-13). Les scribes étudiaient, interprétaient et enseignaient la loi, tant écrite qu’orale. La plupart d’entre eux étaient également des Pharisiens, et c’est pourquoi ils sont souvent associés dans l’Évangile.
Il semble que la situation narrée dans ce passage soit un « coup monté », car on nous dit qu’ils « l’observaient de près ». En outre, par coïncidence, juste en face de lui se trouvait un homme souffrant d’hydropisie, une rétention de sérosité dans le corps.
Loin d’être sur la défensive, Jésus lance immédiatement un défi : « Est-il licite de guérir le jour du sabbat ou non ? » À proprement parler, selon la lettre de la Loi, telle qu’interprétée par les scribes et les pharisiens présents, ce n’était pas licite, car « guérir » impliquait un « travail médical », prenant du temps et de l’énergie. En leur posant la question avant la guérison, Jésus rendait difficile toute protestation ultérieure. De fait, les scribes et les pharisiens n’osèrent pas lui répondre. Dire « oui » pouvait les faire paraître laxistes dans leur interprétation ; dire « non » se révélerait être cruel pour l’homme. Alors, Jésus tint l’homme, le guérit sur place et le renvoya. Il se tourna ensuite vers ses détracteurs avec une autre question : « Si l’un d’entre vous a un fils ou un bœuf et qu’il tombe dans un puits, ne le sauvera-t-il pas immédiatement le jour du sabbat ? » Ils n’avaient pas de réponse, car aucune réponse n’était nécessaire ou possible. Ce que Jésus avait fait était illégal uniquement selon les interprétations rabbiniques, mais pas selon la loi de Moïse elle-même.
Leur mentalité fut révélée, mentalité qui n’était pas celle de Jésus. Pour eux, les gens passaient après la légalité. Pour Jésus, la loi a été donnée pour les personnes. Par conséquent, faire passer la compassion avant la loi est un thème constant de Jésus tout au long de sa vie et dans l’évangile. Parfois, cela signifiait qu’il fallait mettre la loi de côté – un principe qu’ils reconnaissaient également, comme le montrent les exemples donnés par Jésus. La compassion touche profondément notre cœur, tant celui qui donne que celui qui reçoit. Nous sommes tous plus forts si nous plaçons la compassion entre nous et l’autre, et l’autre est de même plus fort dans cette alternative.
Le Droit est important dans notre monde. Cependant, le but et l’intention de la loi sont d’assurer la sûreté, la sécurité et la paix pour les populations dans le monde. Il nous arrive de respecter la « loi » ou la « règle » à la lettre, mais cette attitude est-elle vraiment ce qui est aimant et vivifiant pour une personne, une famille ou une communauté dans une situation donnée. Ainsi, nous pouvons être en train de violer le plus grand commandement : « Aime ton prochain ». C’est là que le discernement et la maturité sont possibles par la prière et la grâce de Dieu. La lecture de Lc 14, 1-6 nous aide à être attentifs à utiliser la « loi »” pour le bien des autres et à ne pas nous contenter de « respecter les règles ». Quiconque agit par amour sincère des autres ne peut se tromper beaucoup. Aucun acte d’amour véritable ne peut être un péché.
Frère Paul Creevey, fms (K U Leuven – Doctorant) – Texte original en anglais.
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